Contrôle des concentrations

1. La Chine dispose t’elle d’un véritable régime de contrôle des concentrations ?

Pendant de nombreuses années, le contrôle des concentrations a été gouverné en Chine par un ensemble de réglementations, très incomplètes , promulguées à l’initiative de diverses administrations*.

Un véritable régime juridique a finalement été institué en 2008 avec l’entrée en vigueur de l’« Anti-Monopoly Law »**. Cette loi définit les règles et procédures selon lesquelles les autorités chinoises sont autorisées à contrôler, et le cas échéant interdire, les opérations de concentration susceptibles d’éliminer ou restreindre la concurrence.

Par ailleurs, au-delà de la préservation du jeu de la concurrence, l’« Anti-Monopoly Law » donne aux autorités chinoises le pouvoir de s’opposer à des opérations de fusion et acquisition impliquant des acteurs étrangers lorsque ces opérations portent atteinte à la sécurité nationale du pays***.

Note:
(*) Ainsi, quand bien même le contrôle des concentrations figurait à l’agenda législatif, des dissensions importantes au sein de l’exécutif et des différentes administrations empêchaient l’adoption d’un texte de loi. Les principaux points de discorde portaient sur la détermination de l’autorité administrative en charge du contrôle des concentrations et sur l’application ou non de ces règles aux sociétés publiques.
(**) Adoptée par l’Assemblée Nationale du Peuple le 13 août 2007 et entrée en vigueur le 1er août 2008. Cette loi a depuis été complétée par de nombreux textes venus préciser les modalités de son application.
(***) Les critères et procédures selon lesquelles les autorités chinoises contrôlent l’absence d’atteinte portée à la sécurité nationale ne sont pas abordés dans la présente fiche consacrée exclusivement au contrôle des concentrations. Sans entrer dans le détail, il convient toutefois de retenir que la notion de sécurité nationale est entendue de manière large et qu’en conséquence les autorités chinoises disposent d’une grande flexibilité pour s’opposer à une opération en arguant de ce motif.

2. Quelle est l’autorité en charge du contrôle des concentrations ?

Le MOFCOM est l’autorité administrative en charge de mettre en œuvre le contrôle des concentrations.

A cet effet, le MOFCOM a créé en son sein un département spécifique (le «Anti-Monopoly Bureau») dont le rôle est d’examiner toutes les notifications adressées au ministère au sujet d’opérations de concentration en cours.

3. Quelles opérations de concentration doivent être notifiées au MOFCOM pour examen ?

Toute opération de concentration qualifiant au regard des critères ci-dessous (« Opérations M&A ») doit obligatoirement être notifiée au MOFCOM pour examen :

(i) Parties à l’opération :
– Sociétés chinoises ; et /ou
– Sociétés étrangères ayant des activités en Chine.

(ii) Nature des opérations :
– Fusion ;
– Prise de contrôle d’une entreprise à travers l’acquisition de son capital ou de ses actifs ;
– Prise de contrôle d’une entreprise au moyen d’arrangements contractuels ou autres ; ou
– Création d’une joint-venture.

La notion de contrôle est définie comme la capacité à exercer une influence décisive sur les décisions d’une entreprise. Pour autant, l’étendue de ce concept reste largement sujet à interprétation au regard de la réglementation en vigueur.

(iii) Seuils des operations* :
– Chiffre d’affaire** mondial de l’ensemble des parties à l’opération supérieur à 10 milliards RMB et chiffre d’affaire en Chine d’au moins deux d’entre elles supérieur à 400 millions RMB ; ou
– Chiffre d’affaire en Chine de l’ensemble des parties à l’opération supérieur à 2 milliards RMB et chiffre d’affaire en Chine d’au moins deux d’entre elles supérieur à 400 millions RMB.

Les critères fixés en matière de qualification des parties (chinoises et/ou étrangères) et de seuils (relativement bas) ont pour conséquence que des opérations de concentration entre sociétés étrangères disposent d’opérations en Chine peuvent aisément tomber sous le coup d’une obligation de notification au MOFCOM.

Par ailleurs, le MOFCOM a la possibilité d’examiner une opération de concentration ne qualifiant pas en tant qu’ Opération M&A dès lors que cette dernière a ou est susceptible d’avoir pour effet d’éliminer ou restreindre la concurrence.

Note :
(*) Des seuils différents existent pour les opérations de concentration dans le secteur financier.
(**) Pour les besoins de la détermination des seuils, les chiffres d’affaires des parties à prendre en compte sont ceux de l’exercice qui précède la conclusion de l’opération.

4. Sur qui repose l’obligation de notifier une Opération M&A au MOFCOM ?

L’obligation de notifier une Opération M&A au MOFCOM appartient :

– En cas de fusion, à l’ensemble des parties à l’opération ; et
– Hors cas de fusion, à la partie qui acquiert le contrôle d’une autre société.

5. Quels sont les documents et informations à soumettre au MOFCOM ?

La notification d’une Opération M&A au MOFCOM oblige à soumettre un dossier très complet, lequel doit notamment inclure les documents suivants (en chinois) :

– Information concernant les parties à l’opération et leurs filiales ;
– Information concernant l’opération, et notamment les documents contractuels s’y rattachant et son potentiel impact sur le marché ;
– Information concernant d’éventuels accords de coopération horizontaux ou verticaux entre les parties à l’opération ;
– Les derniers comptes audités des parties à l’opération ; et
– Les notifications adressées aux autorités en charge du contrôle des concentrations dans d’autres juridictions.

Le MOFCOM est autorisé à demander des informations complémentaires tant qu’il estime ne pas avoir en sa possession l’ensemble des éléments nécessaires pour procéder à l’examen de l’Opération M&A.

6. Quelle est le procédure applicable à l’examen de la notification par le MOFCOM ?

Avant de prononcer toute décision sur une Opération M&A, le MOFCOM doit procéder à un examen de la notification selon la procédure suivante:

(i) Enquête préliminaire : A compter du dépôt de la notification, le MOFCOM dispose d’un délai de 30 jours pour examiner, à titre préliminaire, si l’Opération M&A est susceptible d’éliminer ou restreindre la concurrence.
Ce délai de 30 jours ne court qu’à compter du moment où le MOFCOM considère avoir reçu un dossier d’information complet, créant ainsi une incertitude sur la date à laquelle l’examen préliminaire sera engagé par le MOFCOM.
A l’expiration de ce délai, si le MOFCOM a décidé de l’absence d’impact sur la concurrence, ou faute de réponse du MOFCOM, l’Opération M&A peut alors se poursuivre.

(ii) Enquête approfondie : A l’inverse, si le MOFCOM conclut à un possible impact de l’Opération M&A sur la concurrence, une enquête approfondie est alors menée par le MOFCOM.
Cette enquête doit normalement s’étendre sur une période de 90 jours maximum, sachant toutefois que le MOFCOM peut s’octroyer un délai supplémentaire de 60 jours dans certains cas particuliers (notamment si le MOFCOM estime nécessaire la communication d’informations supplémentaires).

Les pouvoirs du MOFCOM au cours de l’enquête sont très étendus : audition des parties à l’opération, audition des tiers concernés (association professionnelle, concurrents, administrations, etc.), droit à communication de tout document jugé pertinent… Les parties à l’opération ont obligation de coopérer à l’enquête mais peuvent également se défendre à travers la soumission d’un mémoire expliquant leur position. En pratique, ces dernières sont d’ailleurs souvent sollicitées par le MOFCOM pour proposer des solutions permettant à l’Opération M&A de se poursuivre sans impact sur la concurrence.

7. Sur quels critères le MOFCOM doit-il asseoir sa décision ?

Afin de conclure si une Opération M&A est susceptible ou non d’éliminer ou restreindre la concurrence, le MOFCOM doit asseoir sa décision sur les critères suivants :

– Les parts de marché des parties à l’opération ainsi que leur pouvoir effectif de contrôler le marché en question ;
– Le degré de concentration du marché ; et
– L’impact de l’opération sur l’entrée sur le marché et sur le développement technologique, sur les consommateurs et les autres opérateurs ainsi que sur la développement économique de la Chine.

Quand bien même, depuis l’entrée en vigueur du régime de contrôle des concentrations en 2008, plusieurs textes ont apportés des précisions sur ces critères, ces derniers restent aujourd’hui relativement larges et donc laissent une grande marge d’appréciation au MOFCOM pour prendre sa decision*.
Certaines décisions du MOFCOM ont d’ailleurs été fortement critiquées au motif qu’elles trouveraient leur justification davantage dans des considérations protectionnistes que dans la volonté de protéger le jeu de la concurrence**.

Note :
(*) A titre d’exemple, le concept de marché a été défini selon une approche s’inspirant amplement des principes retenus dans les autres juridictions, notamment européenne et américaine. Pour autant, les modalités selon lesquelles ces principes sont appliqués par le MOFCOM soulèvent de nombreuses interrogations.
(**) En particulier, les décisions rendues dans le cadre de l’examen des opérations Coca Cola – Huiyuan (18 mars 2009) et Mitsubishi – Lucite (24 avril 2009).

8. Quelles sont les décisions susceptibles d’être prises par le MOFCOM ?

Une fois terminée l’enquête approfondie, le MOFCOM doit prendre un des trois décisions suivantes :

– Autoriser l’Opération M&A sans condition ;
– Autoriser l’Opération M&A sous certaines conditions ; ou
– Interdire l’Opération M&A.

Les décisions entrant dans les deux dernières catégories ci-dessus doivent obligatoirement être rendues publiques.
Les parties à l’Opération M&A ont la possibilité de contester la décision du MOFCOM, d’abord par un recours administratif puis par un recours judiciaire.

9. Quelles sont les sanctions attachées au non-respect du contrôle des concentrations ?

Dans l’hypothèse où une Opération M&A intervient en violation du régime de contrôle des concentrations, les sanctions suivantes peuvent alors être décidées par le MOFCOM :

– Arrêté administratif ordonnant (i) qu’il soit mis fin à l’opération (hypothèse où celle-ci n’a pas encore été exécutée), (ii) un transfert de capital, d’actifs ou d’une activité avant une date donnée, ou (iii) le retour à la situation existante avant la réalisation de l’opération ; et
– Amende administrative d’un montant d’1 million RMB

Des actions peuvent également être engagées en vue du prononcé de sanctions civiles et/ou pénales.

Lexique des termes définis

 – MOFCOM :  Ministère du Commerce

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